Carnet de route du road trip de la famille Cavadini

Les petites astuces pour un voyage réussi

 

Le Jura en roulotte, le tour des Trois-Lacs en bateau solaire, la vue depuis le haut du RigiLa Suisse ne manque pas d’atouts ! Si Alessia et Fred Cavadini ont toujours été des globe-trotteurs dans l’âme, ils ne pensaient pas que leur périple le plus long aurait lieu dans notre pays. Après avoir bourlingué aux quatre coins de la planète, le couple a posé ses valises dans le canton de Vaud. La famille s’est rapidement agrandie avec l’arrivée de Jade, Margot et Roxane.

Malgré le train-train quotidien, le projet de reprendre la route sommeillait dans un coin de leur tête. Ne dit-on pas que les voyages forment la jeunesse ? Après des années de réflexion et d’hésitation, la décision fut prise : la petite smala explorerait le monde pendant plusieurs mois !

Virage écologique

Les Cavadini devant le van utilisé pour le road trip suisse

Les Cavadini devant le van utilisé pour le road trip suisse © Famille Cavadini

Sauf qu’entre-temps, la conscience écologique des Cavadini s’est développée. A quoi bon partir s’il faut plaquer toutes les bonnes habitudes acquises au fil des années et terminer sur un bilan carbone désastreux ?

Ils décident alors de limiter leur voyage à l’Europe, avec comme but de parcourir l’ancien continent à bord d’un véhicule d’occasion rénové par leur soin et de favoriser l’écotourisme.

Las, un obstacle de taille se dresse en cours de route : une pandémie mondiale. Le projet tombe à l’eau tant les restrictions sanitaires excluent toute spontanéité. Mais c’est mal connaître les Cavadini que de penser qu’un tel écueil, aussi important soit-il, puisse les empêcher de réaliser leur rêve.

Le programme est alors entièrement repensé : au revoir l’Europe, bonjour la Suisse ! Une décision qui implique moins de stress, moins de risques d’être bloqué en quarantaine ou par une frontière fermée. Mais surtout, moins de trajets en bus. Un revirement à 360° ? « Nous souhaitions transmettre des valeurs écologiques et de durabilité à nos enfants. Sauf que nous avons rapidement réalisé que le bilan carbone d’un tour d’Europe en van équivalait à un vol Genève-Tokyo, tout ce que nous voulions éviter ! » explique Alessia Cavadini.

Voyage durable, kézako ?

Une grande partie du voyage s'est déroulée à bord d'une roulotte.

Une grande partie du voyage s'est déroulée à bord d'une roulotte. © Famille Cavadini

Pourquoi ne pas se déplacer en transports publics dans ce cas ? « Le problème, c’est que cela nécessite un hébergement à chaque étape, imaginez le prix pour une famille de cinq personnes ! » continue-t-elle, lucide. Bien que polluant, le bus permet de camper presque partout. Certes, la vieille camionnette et son moteur à essence ne possèdent rien d’écologique, mais les Cavadini vont se rattraper comme ils le peuvent : panneaux solaires, utilisation intelligente de l’eau ou encore matériaux d’isolation durables telle la laine de chanvre. Sans oublier les divers moyens de transport empruntés tout au long du périple, à pied, en bateau solaire ou à bord d’une roulotte à cheval.

« Et puis, un voyage écoresponsable ne se limite pas qu’au bilan carbone », admet la mère de famille, consciente de s’être heurtée à la difficulté, voire l’impossibilité d’atteindre la perfection. « Il existe d’autres facettes à prendre en compte telles que des repas locaux et de saison, partir à la rencontre des habitants et faire vivre leur économie, bref, rester authentique et proche de la terre. » L’agrotourisme par exemple, avec ses activités à la ferme et un hébergement chez les paysans, rentre parfaitement dans ce cadre.

Seul bémol : le manque d’informations et d’agences de voyage qui concernent le tourisme vert. Dès lors, la charge mentale en matière d’organisation, source de stress et d’angoisse, s’est fait fortement ressentir. Mais hors de question d’avoir des regrets ! Cet éloge de la lenteur et de la décroissance a abouti à l’expérience la plus singulière de la famille. « C’était il n’y a même pas une année, et pourtant cela semble déjà si lointain », soupire Alessia Cavadini, les yeux perdus dans l’horizon.

L'âge idéal pour un road trip

Les enfants ont gagné en autonomie au cours de ce road trip à travers la Suisse.

Les enfants ont gagné en autonomie au cours de ce road trip à travers la Suisse. © Famille Cavadini

Voyager avec des enfants, une tâche ardue ? « Ce ne sont pas de véritables vacances car il faut réfléchir sur le long terme, redéfinir des règles et un cadre familial. » Mieux vaut s’organiser en amont pour éviter l’angoisse que peuvent éprouver les bambins face à des changements incessants de programme. « Il est préférable d’impliquer les enfants dès le début plutôt que leur imposer un projet. Ils se sentiront ainsi davantage responsables et valorisés », estime Alessia.

L’âge a également son importance : trop jeunes, ils peineront à suivre le rythme. Selon les Cavadini, le moment idéal se situe aux alentours des 8 à 10 ans, juste avant la phase charnière de l’école secondaire où il faut définir son orientation future. « Non seulement c’est une période moins stressante en matière de scolarité, mais c’est la plus agréable en raison de la curiosité naturelle des enfants. »

Enfin, il est primordial de préparer le départ avec ses proches, lors d’une fête d’adieu par exemple. « Il ne faut pas négliger cette étape afin d’éviter la tristesse de quitter ses amis et sa vie d’avant ! » insiste Alessia.

Des paysages dépaysants

La Suisse n'a rien à envier aux destinations les plus exotiques - road trip - voyage

La Suisse n'a rien à envier aux destinations les plus exotiques ! © Famille Cavadini

De Bienne à Lucerne en passant par Avenches, les Grisons, le Tessin ou encore le Valais, difficile de résumer le voyage des Cavadini en quelques mots tant les étapes ont été nombreuses, entre agrotourisme, visites culturelles ou citadines et camping en pleine nature. Mais avant tout, c’est le côté humain qui a fortement marqué les Cavadini : « Plus nous nous enfoncions en des lieux reculés et plus les gens se montraient chaleureux. Les Suisses ne sont pas aussi distants qu’on le pense ! Même pendant la pandémie, tout le monde manifestait sa bonne volonté à rendre service sans rien attendre en retour. »

Des paysages mémorables ? Assurément le Jura et les Franches-Montagnes, qui rivalisent avec les panoramas canadiens, selon les Cavadini. Autre surprise, les marchés à la ferme en accès libre, que l’on trouvait dans presque tous les villages de campagne, ce qui est idéal pour cuisiner des repas sains et frais.

Quant aux principales difficultés, elles furent essentiellement liées à la météo, notamment à cause des pluies abondantes. « A ce moment-là, il est délicat de se sentir en sécurité. Est-ce que la rivière va monter et nous inonder ? Et les chutes d’arbres ? » se rappelle Alessia avec angoisse. Sans oublier les maladies, comme lorsque toute la famille fut victime d’une gastro-entérite foudroyante. Le plus difficile consistera à lâcher prise et à sortir de cette logique qui consiste à vouloir cocher des cases à tout prix. «C’est un marathon, pas un sprint, il faut accepter l’idée que l’on ne pourra pas tout visiter.»

Le retour à la vie d'avant

famille cavadini - road trip suisse - voyage dormir sur la paille

Rien ne vaut le confort de son lit douillet après avoir dormi sur la paille. © Famille Cavadini

Moins d’un an après cette expérience hors du commun, qu’en reste-t-il ? « Nos jambes sont plus musclées, nous avons quitté cette vie d’ermite et sommes vite revenus à une douche quotidienne », explique Alessia dans un éclat de rire, avant de reprendre son sérieux. « Il ne faut pas imaginer revenir et recommencer la vie d’avant, une période tampon est essentielle pour digérer le voyage. » Le changement de rythme et de contraintes s’est révélé délicat, comme le fait de manger à heure fixe assis autour d’une table.

« Le retour possède autant d’importance que la préparation ! » martèle Alessia, qui a vu ses filles éprouver quelques difficultés à retrouver leurs marques à l’école, sans que cela n’ait toutefois d’impact sur leurs résultats. Réinvestir le tissu social en invitant les amis, évoquer les contraintes sans tabous et les apprivoiser petit à petit sont autant de techniques parmi d’autres.

Toujours est-il que les avantages l’emportent grandement sur tout le reste. Les enfants ont gagné en autonomie et renforcé leur confiance en eux, sans oublier les progrès en suisse allemand. « Nous avons surtout relativisé beaucoup de choses. La plupart de nos besoins, comme le confort et le maquillage, sont liés à notre société de consommation. Less is more ! » conclut Alessia, convaincue que les voyages durables représentent le futur du tourisme.

 

Les petites astuces pour un voyage réussi

Scolarisation : quelles démarches ?

Certes, rien ne vaut l’école de la vie où l’on apprend le nom des cantons en les visitant et où l’on découvre la faune en l’observant de ses propres yeux. Si les enfants Cavadini n’ont pas posé une seule fois les pieds dans une salle de classe, ils n’ont pas pour autant pris de retard sur leurs camarades. « Il ne s’agit pas d’une déscolarisation, mais d’enseignement personnalisé à domicile, chose impensable dans l’UE mais totalement normale en Suisse », explique Alessia, elle-même enseignante.

Contactez la direction de l’école le plus tôt possible (au moins six mois à une année à l’avance) et déposez une demande de congé spécifique. Dès lors, la responsabilité de la scolarisation est transférée aux parents et les instituteurs vous informeront du programme à suivre. Libre à vous d’adopter la méthode que vous préférez, tant que les objectifs sont atteints. L’idéal ? Partir en fin de cycle scolaire pour se retrouver essentiellement avec des révisions à travailler.

Autre conseil d’Alessia : « Cahiers, crayons, papiers... ne vous encombrez pas avec trop de matériel ! Au pire, cela peut s’acheter sur la route. »

On parle budget

Au-delà des paysages et de la culture, la plus grande différence entre un voyage à l’étranger et en Suisse réside dans les coûts. Envie de passer la nuit sur la paille ou dans un gîte modeste ? Comptez 300 à 400 fr. pour une famille de 5 personnes : un budget intenable sur une longue période. En comparaison, une place de camping revient en moyenne à 50 fr. la nuit et de 20 à 40 fr. dans un port.

Après l’hébergement, l’alimentation représente le plus grand poste de dépense, qui pouvait parfois doubler en cas de repas au restaurant. Autrement, les pique-niques, platées de pâtes et petits plats cuisinés au gaz constituaient le quotidien des Cavadini. Au total, le voyage a coûté près de 8000 fr. par mois, un investissement conséquent qui aura nécessité deux ans d’économies.

Où camper ?

En Suisse, le camping sauvage est interdit. Pour éviter de se faire déloger en pleine nuit par les forces de l’ordre, mieux vaut s’en tenir aux emplacements autorisés. Les sites internet nomady.ch et park4night.com répertorient les écrins de nature, publics ou privés, accessibles à tous.

En ville, les offices de tourisme mettent parfois des terrains à disposition, tandis que certains restaurants n’hésiteront pas à vous laisser squatter leur parking après que vous aurez consommé chez eux.

L'hygiène sur la route

Laver les vêtements fut l’un des points les plus compliqués du voyage, assure Alessia : « On pensait trouver des laveries, mais elles se montrent absentes en dehors des grandes villes. Il n’en existe tout simplement pas dans le canton du Jura ! » Dans ces conditions, il faut renoncer à un certain confort, comme se changer tous les jours. A l’exception des campings, la solution est venue des habitants rencontrés sur la route, prêts à prêter leur salle de bain ou leur machine à laver.

Le reste du temps, les rivières et lacs se transforment en baignoire géante à raison d’une douche une à deux fois par semaine. Les accessoires indispensables ? Une lavette et du savon biodégradable !

Bateau solaire : à tribord capitaine !

La cerise sur le gâteau de ce voyage riche en émotions ? Assurément le tour des Trois-Lacs en bateau solaire ! « Le sentiment de liberté au milieu de l’eau est... indescriptible », se rappelle Alessia, des étoiles dans les yeux. Après une journée de formation, la famille a pu prendre le contrôle de son embarcation qui ne requiert pas de permis. Si la manoeuvre du navire, qui file à une vitesse moyenne de 8 km/h pour une autonomie de 6 à 8 h, s’avère relativement aisée, l’amarrage représente une autre paire de manches. Pas évident de réaliser un créneau dans un port !

Pour plus d’informations concernant la location : sea-observer-society.org.

Par Steven Wagner - 12 oct. 2022