Testé pour vous : Formule 1 canine
L'art de se faire propulser par des huskies en pole position
Se faire tracter par des huskies sur un kart géant hors saison hivernale ? La rédaction de Loisirs.ch a relevé le défi ! Immersion en Valais au sein de l’élevage de chiens nordiques Alpes’Huskies pour une aventure au rythme des pattes et des coeurs battants.
Les techniciens s’activent sur la piste, vérifiant une dernière fois les équipements tandis que la pilote, concentrée, ajuste sa posture et ses gants, prête à bondir une fois le départ donné. Une course de voitures ? Raté ! Nous avons affaire à des chiens de traîneau menés par la musher (terme qui désigne la conductrice) Violaine Grau.
Il faut avouer que les vrombissements des huskies et l’ambiance électrique n’ont rien à envier aux compétitions automobiles.
L'appel du Nord
Rembobinons ! La rédaction de Loisirs.ch débarque de bon matin sur les 33 000 m² de terrain d’Alpes’Huskies, avant que l’aube ne colore les sommets des Dents du Midi d’un orange fugace. Nous avons été conviés à une expérience peu commune: nous laisser conduire par une équipe de huskies d’élite à bord d’un… canikart ! Une première pour moi, habituellement plus à l’aise derrière un clavier que derrière un attelage.
On ne dirait pas, mais ce bolide pèse plusieurs centaines de kilos ! © Steven Wagner
Après avoir été accueillis par la handler Marie, c’est-à-dire le second du musher, nous écoutons ses explications avec attention. Choix des races, composition de l’attelage, fonctionnement de l’élevage ; le mushing n’a (presque) plus de secrets pour nous ! Au loin, nous entendons d’intenses aboiements. Une meute qui veut en découdre ? Au contraire, c’est un signe de leur excitation à l’idée d'aller courir !
L’art de mener des chiens de traîneau
Comme les mécaniciens d’une écurie de Formule 1 qui bichonnent leurs bolides avant la course, l’équipe d’Alpes’Huskies s’affaire autour du traîneau avec des préparatifs aussi méticuleux que ceux précédant un Grand Prix.
Chaque chien reçoit une attention particulière : vérification du harnais, hydratation, choix du meneur... c’est un ballet savamment organisé où chaque geste possède son importance. L’analogie avec les voitures s'arrête là, car si les pilotes cherchent la vitesse, ici c’est l’harmonie entre l’humain et l’animal qui prime.
Dès le départ, l’accélération se révèle surprenante, malgré les 200 kg du kart et le poids de chacun des passagers. Emporté à toute vitesse par une dizaine de chiens, je ressens un mélange d’excitation et de respect profond pour ces créatures que rien ne semble fatiguer.
Les huskies, avec leur allure puissante, avalent les tours de piste de 600 m en un rien de temps et sans broncher.
De commandante de la police à cheffe de meute
Violaine Grau, musher chez Alpes'Huskies. © Steven Wagner
Une fois redescendus de l’engin et le temps d’abreuver les bêtes essoufflées, mais exaltées, la maîtresse des lieux nous dévoile ce qui l’a poussée à embrasser cette vocation. « J’ai toujours été fan de chiens. Enfant, je me faisais traîner à skis de fond par celui de mes parents à l’aide d’un harnais fabriqué par le cordonnier du village, tandis que Jack London était mon écrivain de chevet ! », s’enthousiasme Violaine Grau.
Après un master en psychologie du travail et plusieurs années au sein de la gendarmerie vaudoise, la quadragénaire retourne dans son Valais natal où elle adopte deux vieux huskies. Tout en poursuivant sa carrière de pandore, qui la mènera au grade de commandante, Violaine Grau entame une formation d’éleveuse professionnelle de chiens.
« En 2019, j’ai finalement décidé de sauter le pas en quittant mon travail pour me consacrer entièrement à mes chiens. »
Gestion de la meute et de la chaleur
Les huskies sont déchainés lors de leurs tours de piste. © Steven Wagner
Si la Valaisanne enchaîne les victoires en compétition, elle avoue ne pas pouvoir en vivre, ce qui l’a amenée à développer des offres touristiques pour toutes les saisons. D’ailleurs, est-ce bien raisonnable de faire courir des races adaptées au froid de Sibérie ou d’Alaska ? « Bien que j’évite de les faire sprinter en plein soleil, ils supportent aisément des températures allant de -60°C à 25°C », nous rassure-t-elle.
Ces races primitives proches du loup peuvent transporter une charge de 50 kg sur une distance de 100 km chaque jour. Mais attention, tous ne sont pas destinés à conduire un traîneau ! Les chiens peureux ou au mauvais gabarit sont revendus aux particuliers.
« La gestion de la meute est une science en soi. La hiérarchie est claire, suivie par chaque chien, depuis l’alpha jusqu’au plus jeune membre », affirme notre musher. Ainsi Khaleesi, la leader, mène sa troupe avec une autorité naturelle qui force le respect, malgré les rires de hyènes tonitruants des jeunes N’Isis et N’Sky.
Après l’effort, le réconfort
Ma collègue Lydia est aux anges. © Steven Wagner
L’interaction avec les toutous ne se limite pas à la course. Nous avons la chance de visiter leur enclos pour les rencontrer de plus près. Les chiens, bien que coureurs acharnés, se montrent aussi d'une sociabilité émouvante. « Les caresses et les instants de complicité sont les bienvenus, mais seulement sans harnais », précise Violaine Grau.
En effet, une fois l’équipement retiré, leur comportement change du tout au tout, ils deviennent pleinement détendus. Palper leur fourrure épaisse et échanger des regards, c’est comme entrer dans leur monde.
Ma collègue Lydia, sourire radieux aux lèvres au moment de prendre un chiot dans ses bras, se sent comme au paradis. Alors que le soleil commence à percer les nuages, apportant une douceur inattendue, l’aventure touche à sa fin. Les chiens, toujours aussi énergiques, semblent prêts à repartir, tandis que nous ressentons l’effet de l’adrénaline qui retombe lentement.
Cette immersion dans l’univers du mushing ne constitue pas uniquement une découverte sportive, c’est une leçon d’humilité, de passion et de partage. Et si les chiens sont les véritables stars de cette aventure, derrière chaque grande équipe se trouve un musher dévoué, dont le coeur bat au rythme de ses compagnons à quatre pattes.
Fondée en 2021, Alpes’Huskies propose des activités durant toute l’année en compagnie d’une joyeuse bande de 17 huskies de Sibérie pure race. En plus du cani-kart, on peut s’essayer au cani-trottinette, randonner aux côtés des chiens de traîneau, s’immerger le temps d’une journée au coeur de la meute ou s’initier à l’attelage.
Une fois arrivés l’hiver et les premières neiges, place aux baptêmes et conduites de traîneau, au ski joëring (se laisser tirer à skis avec un chien accroché à la ceinture) et aux husky-randos !
En parallèle, Violaine Grau et son équipe proposent des activités adaptées aux personnes en situation de handicap, aux enfants dès l’âge de 3 ans, de la médiation animale et de l’élevage de chiens.
Où ? Couvert du Grand Paradis, rte du Grand-Paradis 23, Champéry
Quand ? Voir le site Internet
Combien ? Forfait 1-2 adultes + 1-2 enfants (2-12 ans) cani-kart 250 fr.
Tél. 078 664 61 61
alpes-huskies.ch