Et puis, une belle nuit, tout vient à geler: cascades et torrents forment, le temps d’un hiver, d’incroyables sculptures. Débute alors, dans les Alpes et dans le Jura, l’éphémère saison de l’escalade sur glace. On appelle également ce sport "cascade de glace", à l’image de ces chutes d’eau, figées par les grands froids, où viennent se fixer les piolets des amateurs, toujours plus nombreux, entre décembre et février.

Physique autant qu’esthétique, cette activité hivernale n’est pas à la portée de pics à glace néophytes. Plusieurs guides proposent des séances d’initiation, où l’on apprend les techniques d’escalade et à se familiariser avec l’univers de l’eau gelée. Comme le précise Hubert Caloz, guide de montagne à Champéry, "l'escalade des cascades sur plusieurs longueurs fait partie des disciplines les plus exigeantes. Le choix de la ligne de progression, la pose des assurages intermédiaires et des relais sont des difficultés qui s'ajoutent à la difficulté de la progression elle-même." S’aventurer en terrain gelé requiert également une maîtrise de l’environnement et des conditions météo: "Une cascade de glace doit être à la bonne altitude, c’est-à-dire pas trop haut." Toujours dans la juste mesure, les cascades aiment avant tout "un froid prolongé". Le moindre redoux peut les rendre impraticables.

L’escalade sur glace remonte à une trentaine d’années seulement. Les Alpes et le Jura présentent bon nombre de sites d’exception, d’une beauté saisissante et d’une grande variété dans les niveaux d’approche. Sauvages, connus parfois des seuls initiés, ou balisés, les "spots" se situent tant en pleine nature, au cœur de cheminées rocheuses, qu’en terrain jalonné, à proximité des stations. Dans le val d’Anniviers, pour le plaisir des yeux, on n’a pas hésité à éclairer la glace de nuit. Féerique ! La possibilité existe également de s’aventurer sur des torrents gelés. Une activité très complète, qui s'apparente davantage à une course en montagne qu'à une prouesse technique. Avec, parfois, comme en témoigne Hubert Caloz, "la vision en transparence du courant, comme un film sans le son".

Le langage du pro

La goulotte En alpinisme, une goulotte est une formation de neige ou de glace présente dans les dièdres (cheminées rocheuses). Pas suffisamment large et trop raide pour être skiée, cette surface de glace vive peut être appréhendée avec des techniques de cascade de glace et de rocher.

Le dry-tooling Technique mixte consistant à grimper sur du rocher pour aller chercher de la glace. Elle se pratique avec l'utilisation de matériel de cascade de glace (piolets-traction et crampons) en plus du matériel d'escalade habituel (casque, baudrier, corde).

La glace initiation Grimpe sur un site large et circulaire, pas exposé à d’éventuelles chutes de glace. Les grimpeurs y évoluent en groupe.

Torrents gelés Remonter les torrents gelés s'apparente davantage à une course en montagne qu'à une prouesse technique d’escalade. Par bonnes conditions, il est possible de cramponner sur 1000 m de dénivellation. Les torrents présentent généralement des ressauts raides mais courts, avec des portions plus tranquilles.

Bien s’équiper, tout sécuriser

Le matériel indispensable

Les vêtements Habits chauds (vêtements de ski, veste duvet recommandée), plusieurs paires de gants (liberté de mouvement tout en protégeant du froid). Sac à dos pour thermos, pique-nique et rechange.
Matériel d'escalade Baudrier, casque, mousquetons de sécurité et système d'assurage. Descendeur et cordelette pour le rappel.
Matériel spécifique pour la glace Crampons de cascade, piolets de cascade, broches à glace.

La sécurité avant tout

Les sept règles de base du Club Alpin Suisse:
1. Etudier le bulletin d’avalanche
2. En cas de doutes (qualité de la glace, situation en matière d’avalanche, etc.) interrompre la course ou changer de destination
3. Exclure toute fuite en avant ! Les chutes en cascade de glace sont toujours dangereuses !
4. Collectionner les mètres d’escalade et acquérir de l’expérience; augmenter progressivement la difficulté
5. Etre attentif aux changements de temps et aux variations de températures; essayer de comprendre comment se forme la glace, dans quelles conditions et quelles circonstances
6. Développer une bonne technique de grimpe (économique, tranquille et sûre)
7. Respecter les autres et se concerter entre grimpeurs

Cascade de la Puchotaz, Mayoux (VS)

A seulement 10 min de marche du village de Mayoux, dans le val d'Anniviers, un lieu enchanteur attend les grimpeurs: la cascade de la Puchotaz. Née sur le tracé des eaux qui descendent du Roc d'Orzival (2853 m), elle est le terrain d'apprentissage idéal pour toutes celles et ceux qui souhaitent s'initier à l'escalade sur glace. Large, sûre, elle bénéficie d’une illumination nocturne qui fait sa réputation. Les grimpeurs évoluent alors dans un univers bleuté, féerique.

Dates De fin décembre à mi-mars
Tarifs 100 fr. par pers. (matériel et encadrement compris)
Le + Illuminée le soir, deux journées d’initiations gratuites organisées par l’Office du Tourisme de Grimentz

Bureau des guides
Val d'Anniviers
Tél. 078 965 71 20
www.valdanniviers.ch

Initiations en collaboration avec l'Office du Tourisme de Grimentz
Tél. 027 476 17 00

Cascade des Galeries Defago, Champéry (VS)

Visible depuis le village de Champéry, la falaise des Galeries Defago attire les regards. Deux cascades se forment sur ce site spectaculaire, avec deux lignes, d'une hauteur totale de 60 m. Certaines années, une troisième "ligne" de grimpe se forme sur la droite.

Dates De fin décembre à mi-mars
Tarifs Journée d’initiation: 550 fr., longue et difficile escalade: 600 fr. par jour
Le + Deux ou trois lignes de grimpe, facilement atteignables

Hubert Caloz, guide de montagne
Tél. 079 239 87 19
www.guides-champery.ch

Prise d’eau de Sovereu, Fionnay (VS)

Les cascades de glace ne manquent pas dans le val de Bagnes et il y en a pour tous les goûts et tous les niveaux. Dans la région, les sportifs chevronnés connaissent bien la prise d’eau de Sovereu, qui, elle, se mérite. Située à 40 min à pied du village de Fionnay, dans les neiges de Mauvoisin, elle ne s’adresse pas aux débutants. Longue, à pic, elle requiert une bonne expérience d’alpinisme.

Dates De novembre à mars
Tarifs De 125 fr. à 580 fr. selon le nombre de participants (matériel inclus)
Le + De longue haleine, sportive

Les Guides de Verbier
Lionel May
Tél. 027 775 33 70
www.guideverbier.com

Cascade du Dar, Col du Pillon (VD)

La cascade du Dar aux Diablerets, gravie la première fois par l'alpiniste écossais Dougal Haston et Ariane Giobellina, en 1975, est une chute d’eau spectaculaire, bien visible depuis la route du col du Pillon. L’eau s’écoulant depuis la combe du Scex Rouge se jette dans le vide d’une hauteur de 120 m environ. L’escalade s’y déroule en hiver sur une glace en général bien fournie, si l’on sait se montrer patient en début de saison. L’ascension présente trois longueurs, dont deux sur une glace raide jusqu’à 90° en première longueur, suivant la quantité de glace, et 85° sur la deuxième longueur. La voie sort par une goulotte très étroite, moins raide mais très intéressante. On peut également compléter le programme de la journée par l’ascension de cascades plus courtes, à droite et à gauche de la cascade principale, d’une longueur allant de 40 à 50 m. La plus spectaculaire, baptisée "35 ans à l’ombre", a été ouverte par le guide Louis Piguet le jour de ses 35 ans, le 12 décembre 1992… 45 m sur une glace épaisse de seulement 5 cm par endroits, inclinée à 85° et se terminant par un ressaut vertical sur 8 m. Pas pour les nerveux !

Dates De mi-décembre à début mars
Tarifs 700 fr. la journée (2 pers. max. par guide)
Le + Variété d’approches, spectaculaire, adrénaline

Bureau des guides de Leysin
Tél. 024 494 18 46
www.guideservice.ch

Cascade des gorges de Court (BE)

Toutes proches de Moutier, creusées par la Birse, les gorges de Court représentent un eldorado pour les grimpeurs. Pas moins de neuf cascades offrent des possibilités d’escalade. Lors des grands frimas, elles deviennent praticables. Les habitués qui les fréquentent les ont baptisées avec des noms pour le moins cocasses: "le dîner de cons", "le cadeau éphémère", "la cascade de l’escalier". Leur caractéristique commune se résume dans leur hauteur raisonnable et dans la variété des approches.

Dates De décembre à février, principalement par grand froid
Tarifs Jusqu'à 4 pers.: demi-journée 350 fr., journée 500 fr.
Le + Variété de parcours, hauteur relativement modeste

Nicolas Zambetti, guide de montagne
Tél. 078 741 17 99
www.nicolaszambetti.ch

Cascade des gorges du Pichoux, Sornetan (BE)

Dans les gorges du Pichoux, à la frontière des cantons du Jura et de Berne, les collines jurassiennes sauvages se révèlent dans leur splendeur hivernale. En amont de ces gorges, une série de cascades déploient leurs charmes. Facile d’accès, la cascade du pilier du Forgeron, située en aval, au nord d’Undervelier, est un site d’initiation très apprécié des grimpeurs. Mais les grimpeurs chevronnés lui préfèrent les hauteurs du lac Vert, où s’élèvent, par grand froid, de hauts murs de glaçons brillant de mille feux.

Dates De décembre à février, principalement par grand froid
Tarifs Jusqu'à 4 pers.: demi-journée 350 fr., journée 500 fr.
Le + Ensoleillé, site naturel grandiose

Nicolas Zambetti, guide de montagne
Tél. 078 741 17 99
www.nicolaszambetti.ch

Initiation sur torrent gelé

Il existe un joli torrent classique, pour initiation, qui se nomme "Cheneau de l'envers" au-dessus de Cortébert dans le vallon de Saint-Imier (BE). Il fait 300 m de dénivellation avec plein de petits ressauts faciles.
www.nicolaszambetti.ch

Par Rédaction - 26 avr. 2022