Ateliers de jeux en forêt
Vive l'école buissonnière !
Se salir, sauter dans les flaques, planter ses ongles dans la terre, soulever une souche pour observer les fourmis… Grâce aux ateliers de jeux en forêt qui fleurissent dans nos contrées, ce sont vos enfants qui vous supplieront de sortir de la maison. Et par tous les temps !
Issue des écoles de la forêt nordiques qui dispensent des cours en pleine nature depuis les années 1950, la pédagogie forestière séduit de plus en plus de professionnels de l’enfance et gagne du terrain aujourd’hui en Suisse romande. Dans nos forêts, dans les sous-bois, fleurissent de drôles d’activités pour les enfants qui n’ont pas froid aux yeux : à la faveur de demi-journées, par tous les temps, le mot d’ordre est à l’exploration, à la découverte et à la liberté.
Jeux en forêt : qu’est-ce que c’est ?
Eve Carroz, responsable des Ateliers Unis-Vert à Ollon (VD) note qu’il y a encore beaucoup d’idées préconçues sur ce type d’activités. "Lorsqu’on parle de sortir en forêt avec les enfants, il ne s’agit pas de simplement faire des balades et des grillades ! Tout un travail pédagogique est mis en place avant, pendant et après la sortie". Le programme ? C’est qu’il n’y en a pas. Ou plutôt, il ne se voit pas… Car les éducateurs connaissent les phases de développement de l’enfant, tout comme les règles de sécurité. Janick Gaberel, éducatrice de l’enfance et animatrice d’ateliers de jeux en forêt à Pampigny (VD) note l’importance des petites habitudes : "Nous empruntons toujours le même chemin jusqu’au canapé forestier en entonnant une chanson de salutation, faisons une halte pour récupérer la clé sous le caillou magique qui nous permettra d’entrer dans la forêt… Après, on peut se lancer dans un atelier ou, tout simplement, partir à la découverte de ce qui nous entoure". Histoires, bricolage avec les matériaux trouvés sur place, préparation de repas, fabrication de cabanes, observation des insectes ou des traces d’animaux, cueillette, rencontre avec les garde-forestiers pour assister à la coupe du bois, land-art, chasses au trésor, sauts de joie dans les flaques… Tout est permis, dans le respect de la nature.
Canapé forestier : la clé de voûte d’un conte de fées
Véritable cocon au cœur de la forêt, le canapé forestier est une construction qui respecte la loi forestière suisse. Fabriqué à partir de différentes branches trouvées sur place que l'on superpose en forme de cercle et renforcées à l'aide de pieux, il devient le cœur des activités en forêt. On peut s’y asseoir grâce aux rondins aménagés sur son pourtour, on peut le couvrir d’une grande bâche pour s’abriter en cas de pluie ou de neige, faire du feu en son centre pour se réchauffer ou cuisiner de bons petits plats. Avec un bon mètre de hauteur, il garantit aux enfants de devenir complètement invisibles. Autour, bien souvent, les animateurs y aménagent des toilettes forestières et des cabanes de branchage. Un véritable stam pour les coureurs des bois en herbe, de plus en plus répandu dans nos forêts.
Sortir des sentiers battus
Pour Eve Carroz, il s’agit, par le biais d’activités pédagogiques, d’amener l’enfant à explorer son environnement "à son rythme et en toute liberté, sans les contraintes usuelles des structures d’accueil classiques : oubliées les injonctions de ne pas courir, ne pas crier et mettre ses pantoufles !" Oubliées aussi les conditions météorologiques puisque les sorties se déroulent, dans l’idéal, toute l’année et par tous les temps. Albane Jeanmonod, directrice de l’Espace FoREF à Cossonay (VD) se souvient d’une journée de déluge où "les gouilles du sentier forestier ressemblaient à de petits lacs". Une fois décomplexés par les animateurs qui se sont mis à sauter à pieds joints dedans, les enfants n’ont plus arrêté et étaient trempés jusqu’aux os. Mais sur le chemin du retour, arrivés à la place de jeux, ils ne souhaitaient pas aller sur le toboggan… parce qu’il était tout mouillé ! "Nous étions revenus de plein fouet à la civilisation, et avec elle, au cœur des interdits", raconte amusée Albane.
Un terreau fertile pour les enfants
Endurance physique et mentale, coordination motrice, curiosité, recherche de solutions pratiques et originales, connaissance de soi et de la nature… Les bienfaits des ateliers de jeux en forêt sur nos rejetons sont légion. Tous les professionnels en conviennent également : la compétitivité cède rapidement la place à la collectivité car les enfants se rendent compte qu’ils ont besoin des autres pour porter un tronc, construire une cabane ou imaginer un jeu. Par ailleurs, comme le souligne Dominique Zahnd des P’tits Lutins des Bois (VS), la forêt "est un espace qui favorise la rêverie et développe l’imaginaire. Une petite bête, des traces d’animaux, des pives, une cachette et voici que l’aventure commence !" Elle s’est ainsi souvent retrouvée en compagnie d’enfants sur une rivière infestée de crocodiles ou à bord d’un voilier en perdition dans les mers du Sud... Et c’est cette imagination que tendent à favoriser les animateurs de jeux en forêt qui adaptent leur programme du jour aux idées des enfants.
Les écoles de la forêt
Dans les années 1950, l’idée de jardins d’enfants en pleine nature est née dans les pays scandinaves. Pourquoi? L’espace beaucoup plus étendu qu’une salle de classe permet une liberté de mouvements adaptée aux besoins moteurs des jeunes enfants. Le jardin et la forêt offrent un contexte très riche et stimulant permettant une palette d’expérimentations et d’apprentissages dans laquelle l’enfant puise en fonction de ses besoins et de ses intérêts. Certaines écoles, conscientes de ces avantages, ont installé leur salle de classe dans la nature. En Allemagne, on dénombre aujourd’hui quelque 400 écoles enfantines dans la nature subventionnées par l’état. En 2014, si l’on recense en Suisse environ 400 groupes de jeux en forêt, il n’y a actuellement, selon Educaterre, que 8 écoles enfantines publiques et 12 privées toutes en Suisse allemande. En Suisse, c’est la fondation Silviva qui forme les éducateurs en "pédagogie par la nature".
Parents : jouez le jeu
Pour les parents, souvent inquiets à l’idée de laisser le fruit de leurs entrailles partir à l’aventure, il faut accepter de lâcher prise. D’abord car cette confiance accordée à l’enfant est au cœur même de la pédagogie forestière qui entend le responsabiliser. C’est aussi accepter de faire une grosse lessive le soir venu car, irrémédiablement, le jeune coureur des bois sera crotté de la tête au pied. Comme le rappelle l’association A l’aire libre (FR), en forêt, "point de locaux, de route asphaltée ou de place de jeu en tartan, mais le grand air, avec la frondaison des arbres comme toit, les talus herbeux ou enneigés comme toboggans et le matériel que nous offre la nature pour jouer et découvrir le monde"… D’où une tenue appropriée à prévoir : "Les parents doivent jouer le jeu avec l’habillement, insiste Janick Gaberel. En hiver, il faut prévoir un pantalon et une veste chauds et imperméables et l’été, - en raison des tiques, des ronces et des moustiques – le pantalon et les manches longues sont également de rigueur".